Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/414

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règle avec le Dieu tout-puissant. Pas une des personnes présentes n’héritait d’un centime ; mais M. Trumbull recevait la canne à pomme d’or. Il fallut quelque temps à l’assemblée pour recouvrer la parole. Mary n’avait pas le courage de regarder Fred.

M. Vincy fut le premier à parler, après avoir énergiquement usé de sa tabatière, et il s’exprima avec une vive indignation :

— Le testament le plus inconcevable que j’aie jamais vu ! Je dirais volontiers qu’il n’était pas dans son bon sens quand il l’a fait ; je dirais volontiers que ce dernier testament est nul. Eh ! Standish !

— Notre ami défunt savait toujours ce qu’il faisait, il me semble, dit M. Standish. Tout est parfaitement dans les règles… Voici une lettre de Clemmens, de Brassing, attachée au testament. C’est lui qui l’a dressé, un procureur des plus respectables.

— Je n’ai jamais remarqué chez feu M. Featherstone aucune aliénation d’esprit ni d’intelligence, dit M. Borthrop Trumbull. Mais c’est ce que j’appelle un testament excentrique. J’ai toujours volontiers rendu service à ce vieillard, et il m’en avait témoigné assez clairement son obligation pour que je pusse en trouver la preuve dans son testament. À titre de reconnaissance, la canne à pomme d’or n’est qu’une ironie ; mais je suis heureusement au-dessus de ces considérations mercenaires.

— Je ne puis rien voir ici de très surprenant, dit Caleb Garth. On aurait eu plus de raisons de s’étonner, si le testament avait ressemblé à celui d’un homme franc et droit dans sa conduite. Pour ma part, je voudrais qu’on ne fît pas de testaments.

— C’est là, par Dieu ! un sentiment étrange de la part d’un chrétien, dit le notaire. Je serais curieux de savoir comment vous soutiendriez cette opinion-là, Garth !