Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/415

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Ici M. Jonas Featherstone se fit entendre à son tour.

— Eh bien, il a toujours été un fier hypocrite, mon frère Pierre ! Mais ceci dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Si je l’avais su, une voiture à six chevaux n’aurait pu me faire démarrer de Brassing pour m’amener ici. Je mettrai demain un chapeau blanc et un habit gris américain.

— Seigneur ! Seigneur ! pleura mistress Cranch. — Et nous avons fait la dépense du voyage, et ce pauvre garçon est resté là si longtemps sans travailler. C’est la première fois que j’entends dire que mon frère Pierre fût si désireux de satisfaire le Dieu tout-puissant ; mais dussé-je être frappée de paralysie, il faut que je le dise, c’est cruel, je ne puis penser autrement.

— Ça ne lui profitera pas là où il est il présent, voilà ma conviction, conclut Salomon avec une amertume des plus sincères. Pierre a été un mauvais homme de son vivant, et ses hospices n’y changeront rien, puisqu’il a eu l’impudence de se montrer tel encore au dernier acte de sa vie.

— Il a toujours vécu entouré de sa propre et légitime famille, frères et sœurs, neveux et nièces, et il s’est assis dans l’église à côté d’eux chaque fois qu’il jugeait bon d’y venir, dit mistress Waule. Et il aurait pu laisser sa respectable fortune à ceux qui ne s’étaient jamais laissé aller à l’extravagance et à la légèreté, et qui étaient en état de conserver soigneusement chaque penny et de le faire fructifier. Et moi… quelle peine n’ai-je pas prise mainte et mainte fois pour venir ici, et me montrer bonne sœur, et lui qui avait tout le temps dans l’esprit des choses qui vous donnent la chair de poule ! — Mais, si le Tout-Puissant l’a permis, c’est qu’Il a l’intention de l’en punir. Mon frère Salomon, je vais m’en retourner, si vous m’offrez une place dans votre voiture.

— Je n’ai pas le désir de remettre jamais les pieds en