Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/432

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cette limite. Maintenant, plus que jamais, il était clair que son idée de rester garçon avait été une erreur, le mariage était non point un obstacle mais un encouragement au travail. Et, le lendemain, comme il accompagnait un malade à Brassing, il y vit par hasard un service de table qui lui parut être si parfaitement ce qu’il désirait qu’il l’acheta sur-le-champ. On gagnait du temps à faire ces choses ainsi au moment où elles vous passaient par l’esprit, et, de plus, Lydgate détestait la faïence grossière. Le service en question était cher, mais c’était peut-être le défaut de tous les services de table. L’aménagement d’une maison était nécessairement coûteux, mais c’était une dépense qu’on ne faisait qu’une fois.

— Ce doit être ravissant, dit mistress Vincy quand Lydgate lui parla de son emplette. Tout juste ce qu’il faut pour Rosy. J’espère, par la grâce du ciel, qu’il ne sera pas cassé.

— Il faudra pour cela des domestiques qui ne cassent rien, dit Lydgate.

Ils avaient jugé inutile, d’ailleurs, de mettre mistress Vincy au courant de leurs projets ; celle-ci ne voyait pas volontiers les choses en noir, et, contente de son sort d’épouse, n’éprouvait guère que de l’orgueil du mariage de sa fille. Mais Rosemonde avait de bonnes raisons pour suggérer à Lydgate d’en appeler par lettre à son père. Elle prépara l’arrivée de la lettre en accompagnant M. Vincy le lendemain matin à l’entrepôt et en lui disant que M. Lydgate désirait se marier sans trop attendre.

— Quelle sottise, ma chère ! répliqua celui-ci. Quelle fortune a-t-il pour se marier ? Il serait bien plus sage de renoncer à cet engagement, je vous l’ai déjà dit assez clairement. Est-ce la peine d’avoir reçu une si bonne éducation pour épouser maintenant un pauvre diable ? C’est pénible pour un père.