Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/451

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C’est là un point sur lequel je voulais vous consulter, une des raisons pour lesquelles je désirais vous voir en particulier. M. Brooke me propose de rester dans le pays. Il a acheté un des journaux de Middlemarch, et il voudrait me garder pour le diriger et l’aider dans d’autres travaux encore.

— Ne serait-ce pas faire le sacrifice d’un avenir plus brillant ?

— Peut-être, mais on m’a toujours blâmé de rêver de perspectives d’avenir sans me fixer à rien. Voilà une position qui m’est offerte. Si vous n’aimiez pas me la voir accepter, j’y renoncerais. Sans cela, je préférerais, je crois, demeurer dans le pays plutôt que de m’en aller.

— J’aimerais beaucoup à vous voir rester ici, dit aussitôt Dorothée avec autant d’aisance et de simplicité que lors de leur conversation de Rome. Il n’y avait, à ce moment, dans son esprit, pas l’ombre d’une raison pour parler autrement.

— Alors, je resterai, dit Ladislaw, rejetant la tête en arrière, se levant et se dirigeant vers la fenêtre, comme pour voir si la pluie avait cessé.

Mais un moment après Dorothée, cédant à une habitude qui prenait de plus en plus de force, commença à réfléchir que, sur ce sujet, son mari pensait différemment, et une vive rougeur lui vint, sous le double embarras d’avoir exprimé une opinion qui fût en opposition avec les sentiments de son mari, et d’avoir à avertir Will de cette opposition. Will n’avait pas le visage tourné de son côté, et il lui parut un peu moins difficile de lui parler comme son devoir était de le faire.

— Mais mon opinion, dit-elle, est de peu de conséquence sur un tel sujet. Vous feriez mieux, il me semble, de vous laisser diriger par M. Casaubon. Je vous ai parlé sans penser à autre chose qu’à mon sentiment personnel, qui n’a rien à voir avec la question même. Je réfléchis maintenant