Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/452

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que peut-être M. Casaubon ne trouverait pas sage cette proposition. Ne pouvez-vous attendre maintenant et lui parler ?

— Je ne puis attendre, aujourd’hui, dit Will, intérieurement épouvanté de la perspective de voir rentrer M. Casaubon. La pluie a tout à fait cessé. J’ai dit à M. Brooke de ne pas venir me chercher ; que j’aimerais mieux faire ces cinq milles à pied. Je prendrai la traverse par Halsell Common, et j’aurai le spectacle des rayons du soleil sur l’herbe mouillée, j’aime cela.

Il s’approcha d’elle pour lui serrer la main, avec précipitation, désirant, mais n’osant pas lui dire : « N’en parlez pas à M. Casaubon. » Non, il n’osait pas, il ne pouvait pas le lui demander. Lui demander d’être moins simple et moins droite, c’eût été comme de souffler sur le cristal à travers lequel on veut voir la lumière. Et puis il avait toujours cette autre crainte terrible, de paraître lui-même terni et pour toujours dépouillé de lumière aux yeux de Dorothée.

— Je regrette que vous ne puissiez pas rester, dit Dorothée avec une nuance de tristesse en se levant et lui tendant le main. Elle avait, elle aussi, une pensée qui lui coûtait à exprimer, c’était que Will ne devrait certainement pas perdre de temps pour consulter M. Casaubon, mais il était délicat, de sa part, de le lui demander.

Ils se dirent simplement adieu, et Will s’en alla à travers champs pour ne pas risquer de rencontrer la voiture de M. Casaubon, laquelle n’apparut pas à la grille avant quatre heures. C’était une heure peu favorable pour rentrer chez soi. Il était trop tôt pour chercher un secours contre l’ennui en s’habillant pour le dîner, et trop tard pour chasser de son esprit toutes les affaires et tous les incidents frivoles de la journée, préliminaire indispensable à un bon plongeon dans l’affaire sérieuse de l’étude. En pareil cas, il se jetait généralement sur une chaise longue de la biblio-