Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/453

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thèque et permettait à Dorothée de lui lire les journaux de Londres, pendant qu’il fermait les yeux. Aujourd’hui, il ne se soucia pas de ce délassement, remarquant qu’on avait déjà imposé à son esprit trop de détails sur les affaires publiques ; mais il répondit plus gaiement que d’habitude aux questions de Dorothée sur sa fatigue, et il ajouta, avec cet air d’effort cérémonieux qui ne le quittait jamais, même lorsqu’il parlait sans gilet et sans cravate :

— J’ai eu le plaisir de rencontrer aujourd’hui une ancienne connaissance, le docteur Spanning, et de recevoir les éloges d’une personne qui en est digne elle-même. Il a très bien parlé de mon dernier traité sur les mystères égyptiens, et même en termes qu’il ne me siérait pas de répéter. En prononçant cette dernière phrase, M. Casaubon se pencha sur le bras de son fauteuil et balança la tête de haut en bas, suppléant apparemment par cette petite gymnastique à l’énumération qu’il n’aurait pas trouvée convenable.

— Je suis très contente que vous ayez eu ce plaisir, dit Dorothée, ravie de voir son mari moins abattu qu’il ne l’était habituellement à cette heure-là. Avant votre retour, je regrettais que vous eussiez été absent aujourd’hui.

— Pourquoi cela, ma chère ?

— Parce que M. Ladislaw est venu ; il m’a parlé d’une proposition de mon oncle au sujet de laquelle j’aimerais à avoir votre opinion.

Elle sentait que la question concernait réellement son mari. Malgré toute son ignorance du monde, elle avait vaguement l’impression que la position offerte à Will n’était pas en rapport avec ses relations de famille, et M. Casaubon avait certainement le droit d’être consulté. Il s’inclina sans répondre.

— Vous savez que mon cher oncle a beaucoup de projets. Il paraît qu’il a acheté un des journaux de Middlemarch, et