Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je ne puis vous parler comme je voudrais devant Célia, j’aurais peur de l’affliger ; ce ne serait pas bien.

— Je sais ce que vous voulez dire : le Pionnier ! à la Grange, lança mistress Cadwallader sans attendre que son ami eût achevé son dernier mot. C’est épouvantable de se mettre ainsi à acheter des sifflets et de corner dedans aux oreilles de tout le monde. Il vaudrait mieux rester au lit toute la journée et jouer aux dominos comme le pauvre lord Plessy, on ne gênerait du moins pas les autres.

— Je vois qu’on commence à attaquer notre ami Brooke dans la Trompette, dit le recteur nonchalamment étendu dans son fauteuil. Il y a de terribles sarcasmes dirigés contre un certain landlord qui est censé habiter à une centaine de milles, qui encaisse ses revenus et n’en laisse rien sortir.

— Je voudrais bien que Brooke renonçât à tout cela, dit sir James avec le léger froncement de sourcils qui indiquait chez lui le mécontentement.

— Est-il vrai cependant qu’on va le présenter comme candidat ? dit M. Cadwallader. Hier j’ai vu Farebrother ; il est whig lui-même et il tient pour Brougham ; il prétend que Brooke est en train de se faire un parti assez fort. Bulstrode le banquier est à la tête de ses partisans. Mais il pense que Brooke se tirerait assez mal de sa candidature.

— Précisément, dit sir James du ton le plus grave. J’ai pris des informations sur tout cela, car je n’ai jamais rien su, moi campagnard, de la politique de Middlemarch. Mais Hawley me disait que, si vraiment on envoie un whig au Parlement, ce sera sûrement Bagster, un de ces candidats qui arrivent on ne sait d’où, mais en guerre à mort avec les ministres et qui possèdent l’expérience des affaires parlementaires. Hawley est un rustre, il oubliait que c’était à moi qu’il parlait. Il disait que, si Brooke avait besoin d’une