Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/466

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bonne volée, il pourrait l’obtenir à meilleur marché qu’aux assemblées électorales.

— Je vous en avais tous avertis, s’écria mistress Cadwallader en agitant les bras. J’ai dit à Humphrey, il y a longtemps, que Brooke ferait un plongeon dans la boue. Et voilà que c’est fait !

— Ce qui m’ennuie le plus dans tout cela, c’est qu’il y compromet sa dignité, dit sir James. Je m’en préoccupe surtout à cause de la famille. Brooke n’est plus un jeune homme aujourd’hui, et je n’aime pas à le voir s’exposer. On va remuer tout ce qu’on pourra contre lui.

— Je m’imagine qu’il ne servirait à rien de le dissuader, dit le recteur. Il y a un mélange si bizarre d’obstination et de versatilité dans la nature de Brooke ! L’avez-vous confessé là-dessus ?

— Eh bien, non, repartit sir James. Je trouverais indélicat d’avoir l’air de lui dicter sa conduite. Mais j’ai parlé à ce jeune Ladislaw dont Brooke est en train de faire un factotum. Ladislaw me paraît assez intelligent pour réussir partout. J’ai trouvé bon d’écouter ce qu’il avait à dire et il est opposé, cette fois, à la candidature de Brooke. Je crois qu’il le fera changer d’avis et qu’on pourra empêcher sa présentation. Mais ce Ladislaw même ! Voilà encore une ennuyeuse affaire ! Nous l’avons eu deux ou trois fois à dîner à Freshitt-Hall, vous l’y avez rencontré par parenthèse, comme hôte de Brooke et parent de Casaubon. Nous pensions qu’il faisait une visite de passage ; et je découvre maintenant que son nom est dans toutes les bouches comme rédacteur du Pionnier. Il court des histoires sur son compte, on le traite de gratte-papier, d’espion, d’étranger, que sais-je encore ?

— Voilà qui ne plaira pas à Casaubon, observa le recteur.

— Il y a du sang étranger dans les veines de Ladislaw,