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CHAPITRE VII


Nous revenons maintenant à Caleb Garth. Dans le grand parloir ou se trouvent les cartes de géographie et le bureau, un groupe réuni autour de la table du déjeuner comprend père, mère et cinq enfants. Mary était à la maison, attendant d’avoir trouvé une situation, tandis que son frère Christy, qui venait après elle, recevait en Écosse une maigre instruction et une maigre pitance, ayant, au grand désappointement de son père, choisi la carrière des lettres au lieu de cette profession sacrée « des affaires ».

Les lettres venaient d’arriver, neuf lettres coûteuses pour lesquelles on avait payé au facteur trois shillings et deux pence, et M. Garth oubliait son thé et sa rôtie en lisant ses lettres, qu’il plaçait ensuite ouvertes l’une sur l’autre, balançant lentement la tête de droite à gauche et parfois remontant les coins de sa bouche en signe de débat intérieur ; il n’oublia pourtant pas de détacher soigneusement un grand cachet rouge dont Letty s’empara avec l’avidité d’un jeune chien.

La conversation se poursuivait sans contrainte entre les autres membres de la famille, car rien ne troublait Caleb quand il était absorbé dans son travail, à moins que l’on ne secouât la table pendant qu’il écrivait.

Parmi les neuf lettres, il s’en trouvait deux pour Mary. Après les avoir lues, elle les avait passées à sa mère et restait assise, jouant distraitement avec sa cuiller à thé, jusqu’à ce que, revenant soudainement à elle, elle reprît sa couture qu’elle avait gardée sur ses genoux pendant le déjeuner.