Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Quelles nouvelles de ce pauvre Bunch ? Eh bien, il était dit que nous ne pourrions le tirer d’affaire. Il sera pendu.

Le visage de Dorothée prit une expression de reproche et de pitié.

— Pendu, vous savez ! reprit M. Brooke avec un signe d’assentiment résigné. Pauvre Romilly ! Il nous aurait aidés. Je connaissais Romilly, mais Casaubon ne le connaissait pas. Il est un peu enterré dans ses livres, vous savez, Casaubon ?

— Quand un homme se livre à de graves études, se voue à une grande œuvre, il doit nécessairement renoncer à voir beaucoup de monde. Comment pourrait-il aller à droite et à gauche faire des connaissances ?

— C’est juste. Mais un homme finit par s’ennuyer, vous savez. Moi aussi, j’ai toujours été célibataire mais, par une heureuse disposition d’esprit, je n’ai jamais senti l’abattement, j’avais l’habitude d’aller un peu partout et de m’intéresser à tout ; je n’ai pas connu l’ennui, moi, mais je vois bien que Casaubon s’ennuie. Il désirerait une société… une société, vous savez.

— Ce serait un honneur pour qui que ce soit de lui tenir compagnie, dit Dorothée avec énergie.

— Plaît-il ? eh ! fit M. Brooke sans montrer de surprise ni d’émotion. Eh bien, voilà dix ans que je connais Casaubon, depuis qu’il est venu s’installer à Lowick. Mais je n’ai jamais rien tiré de lui, pas une idée, vous savez. Pourtant c’est un grand homme. Il pourrait bien devenir évêque un jour ou obtenir quelque dignité équivalente si Peel reste au ministère. Et il a une très haute opinion de vous, ma chère.

Dorothée ne pouvait parler.

— Le fait est qu’il a sérieusement une très haute opinion de vous ; et il s’exprime admirablement, Casaubon. Il s’est adressé à moi parce qu’il sait que vous n’êtes pas encore majeure. En un mot, j’ai promis de vous parler,