Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/503

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tion. Et de qui pensez-vous qu’il s’agisse ? dit Caleb, prenant une prise de tabac et la tenant entre ses deux doigts comme si elle faisait partie de son récit.

Sa femme laissa là son tricot et devint attentive.

— Eh bien ! l’un des deux c’est ce Rigg ou Rigg Featherstone. Mais Bulstrode me l’avait demandée le premier, aussi je vais la faire pour lui d’abord. Je ne saurais vous dire encore s’il s’agit entre eux d’une hypothèque ou d’un achat.

— Cet homme voudrait-il déjà vendre la terre dont il vient d’hériter et pour laquelle il a changé de nom ? dit mistress Garth.

— Le diable le sait ! Mais il y a longtemps que Bulstrode désire posséder un beau petit morceau de terre, je sais cela. Et c’est difficile à se procurer dans cette partie de la province. Les fluctuations des choses sont si curieuses, continua-t-il. Voici une terre qu’on a espérée de tout temps pour Fred, dont il semble que le vieillard n’eût jamais l’intention de lui laisser un pied carré, mais qu’il lègue à ce fils illégitime qu’il avait gardé dans l’ombre et qu’il a songé à établir là pour vexer tout le monde autant qu’il aurait pu le faire lui-même s’il eût vécu. Je dis que ce serait curieux qu’après tout cette propriété revînt à Bulstrode. Le vieillard le détestait et il n’avait jamais voulu en faire son banquier.

— Quelle raison ce misérable individu pouvait-il avoir pour détester un homme avec lequel il n’avait aucun rapport ? dit mistress Garth.

— Pouah ! à quoi bon demander leurs raisons à de pareils individus ? L’âme d’un homme, une fois suffisamment pourrie, produira toutes sortes de champignons empoisonnés, et nul n’en pourra discerner l’origine.