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CHAPITRE VIII


Les négociations au sujet des terres de Stone-Court, auxquelles Caleb Garth avait fait allusion, avaient fait l’objet d’un échange de lettres entre M. Bulstrode et M. Joshua Rigg Featherstone. Qui peut dire quels seront jamais les résultats d’une chose écrite ! Si elle a été par hasard gravée sur une pierre, qu’elle gise face contre terre sur un rivage désert, ou foulée par des hordes conquérantes, elle peut, après des siècles, finir par nous révéler un jour ou l’autre quelque secret des empires d’autrefois. Des circonstances analogues se présentent à chaque minute, au cours rapide de nos existences. De même que la pierre piétinée par des générations peut tomber par de fines et étranges combinaisons du hasard sous les yeux d’un érudit, et servir enfin à fixer dans ses travaux la date de certaines invasions, lui révéler des religions inconnues, de même une petite feuille de papier noirci d’encre, qui n’aura été longtemps qu’une innocente couverture de paquet ou qui aura servi de cale, peut finir par tomber grande ouverte sous les seuls yeux capables de l’interpréter et d’en faire l’origine d’une catastrophe.

Après cette comparaison un peu ambitieuse, il m’est plus facile d’appeler votre attention sur l’existence de ces petites gens par le moyen desquels, si peu que cela vous plaise, se règle en grande partie la course de notre univers. Si l’on souhaitait d’en voir réduire le nombre, le mieux serait peut-être de ne pas leur donner à la légère l’occasion d’exister. Mais les gens de l’espèce de Pierre Featherstone, auxquels on n’a jamais demandé une copie d’eux-mêmes, sont les