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il exprima son opinion avec sa vigueur ordinaire un jour qu’il entra dans la bibliothèque pendant la leçon de lecture.

— Eh bien, Casaubon, de si profondes études me semblent bien ardues pour une femme ; trop ardues, vous savez…

— Dorothée apprend simplement à lire les caractères, dit M. Casaubon éludant la question. Elle a eu la pensée très charitable de vouloir ménager mes yeux. — Ah ! fort bien ! sans comprendre, oui… ce n’est pas mal. Mais il y a une certaine légèreté dans l’esprit féminin ; la musique, les beaux-arts… voilà ce qui lui convient. Les femmes devraient toujours étudier les beaux-arts, mais superficiellement, vous savez. Une femme doit pouvoir se mettre au piano et vous jouer ou vous chanter n’importe quelle vieille chanson anglaise. Voilà ce que j’aime, moi, bien qu’a l’Opéra de Vienne j’aie entendu tout ce qu’on peut entendre, Gluck, Mozart et d’autres… Mais je suis conservateur en musique. Ce n’est pas comme en matière d’idées, vous savez. Je reste fidèle aux bonnes vieilles harmonies.

— M. Casaubon n’aime pas le piano et j’en suis bien aise, dit Dorothée. — Dorothée était excusable de ne pas aimer la musique de famille ni les beaux-arts à l’usage des femmes.

Elle sourit et leva vers son fiancé des yeux reconnaissants. Quel bonheur de n’avoir pas à lui jouer sans cesse la Dernière Rose d’été !

— Il n’y a, paraît-il, à Lowick, qu’un vieux clavecin tout couvert de livres, reprit-elle.

— Oh ! en ceci, ma chère, Célia vous est très supérieure. Célia joue fort joliment et elle est toujours prête à le faire. Mais, puisque Casaubon ne l’aime pas, je vous approuve, quoique je regrette ces petites récréations-là pour vous, Casaubon. L’arc toujours tendu, etc… etc… vous savez bien…

— Je n’ai jamais pu considérer comme un délassement d’avoir les oreilles agacées par des bruits rythmés et cadencés. Une chanson trop connue me fait l’effet d’une musique de