Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/87

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ne suis pas si sûr de moi. Il s’arrêta un instant, puis reprit : Casaubon a bien agi, mais un homme peut se bien conduire et n’en être pas moins une sorte de code en parchemin. Est-il certain qu’une femme soit heureuse avec lui ? Et je trouve que lorsqu’il s’agit d’une personne aussi jeune que miss Brooke, ses amis devraient intervenir, ou au moins essayer, pour l’empêcher de commettre une folie. Vous riez, vous pensez que, si j’exprime ces sentiments, c’est aussi un peu pour mon compte et par dépit. Mais, sur mon honneur, ce n’est pas cela. Je sentirais absolument de même si j’étais le frère ou l’oncle de miss Brooke.

— Très bien ; mais que feriez-vous ?

— Je dirais qu’il ne faut pas fixer le mariage avant sa majorité ; et, soyez-en sûr, dans ce cas-là, il n’aurait jamais lieu. Je voudrais que mon opinion fût la vôtre. Je voudrais vous voir parler à Brooke.

Sir James se leva alors pour saluer mistress Cadwallader, qui entrait tenant à la main sa plus jeune fille âgée de cinq ans. L’enfant courut tout droit se blottir sur les genoux de son père.

— Je sais de quoi il s’agit, dit mistress Cadwallader, mais vous ne ferez pas d’impression sur Humphrey. Aussi longtemps que le poisson se prendra à l’amorce, chacun de nous restera exactement ce qu’il est. Dieu vous bénisse ! Casaubon possède un ruisseau à truites et ne se soucie pas d’y pêcher lui-même. Croyez-vous qu’il existe un meilleur garçon ?

— Eh bien, il y a du vrai là dedans, dit le recteur avec son rire calme et silencieux. C’est une précieuse qualité pour un homme que d’avoir un ruisseau à truites.

— Mais, sérieusement, dit sir James dont l’irritation ne s’était pas encore entièrement dissipée, ne croyez-vous pas que le recteur pourrait quelque chose, s’il voulait parler ?

— Oh ! je vous ai prévenu d’avance de ce qu’il dirait,