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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Non, non, nous n’avons pas besoin d’eux, entends-tu, Ovide ! reprit la voix de la mère. Ils ne t’ont jamais aimé, ils ont toujours été jaloux de toi… Trouche est un garnement, et Olympe, une sans-cœur. Tu verrais qu’ils voudraient tout le profit pour eux. Ils te compromettraient, ils te dérangeraient dans tes affaires.

Mouret entendait mal, très-ému par la vilaine action qu’il commettait. Il crut qu’on touchait à la porte, il se sauva. D’ailleurs, il n’eut garde de se vanter de cette expédition. Ce fut quelques jours plus tard, en sa présence, sur la terrasse, que l’abbé Faujas rendit une réponse définitive à Marthe.

— J’ai un employé à vous proposer, dit-il de son grand air tranquille ; c’est un de mes parents, mon beau-frère, qui va arriver de Besançon dans quelques jours.

Mouret tendit l’oreille. Marthe parut charmée.

— Ah ! tant mieux ! s’écria-t-elle. J’étais bien embarrassée pour faire un bon choix. Vous comprenez, il faut un homme d’une moralité parfaite, avec toutes ces jeunes filles… Mais du moment qu’il s’agit d’un de vos parents…

— Oui, reprit le prêtre. Ma sœur avait un petit commerce de lingerie, à Besançon ; elle a dû liquider pour des raisons de santé ; maintenant, elle désire nous rejoindre, les médecins lui ayant ordonné l’air du Midi… Ma mère est bien heureuse.

— Sans doute, dit Marthe, vous ne vous étiez peut-être jamais quittés, cela va vous paraître bon, de vous retrouver en famille… Et vous ne savez pas ce qu’il faut faire ? Il y a deux chambres dont vous ne vous servez pas, en haut. Pourquoi votre sœur et son mari ne logeraient-ils pas là ?… Ils n’ont point d’enfants ?

— Non, ils ne sont que tous les deux… J’avais en effet pensé un instant à leur donner ces deux chambres ; seulement, j’ai eu peur de vous contrarier, en introduisant tout ce monde chez vous.