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LES ROUGON-MACQUART.

— Mais nullement, je vous assure ; vous êtes des gens paisibles…

Elle s’arrêta. Mouret tirait violemment un coin de sa robe. Il ne voulait pas de la famille de l’abbé dans sa maison, il se rappelait la belle façon dont madame Faujas traitait sa fille et son gendre.

— Les chambres sont bien petites, dit-il à son tour ; monsieur l’abbé serait gêné… Il vaudrait mieux, pour tout le monde, que la sœur de monsieur l’abbé louât à côté ; il y a justement un logement libre, dans la maison des Paloque, en face.

La conversation tomba net. Le prêtre ne répondit rien, regarda en l’air. Marthe le crut blessé et souffrit beaucoup de la brutalité de son mari. Aussi, au bout d’un instant, ne put-elle supporter davantage ce silence embarrassé.

— C’est convenu, reprit-elle, sans chercher à renouer plus habilement la conversation ; Rose aidera votre mère à nettoyer les deux chambres… Mon mari ne songeait qu’à vos commodités personnelles ; mais, du moment que vous le désirez, ce n’est pas nous qui vous empêcherons de disposer de l’appartement à votre guise.

Quand Mouret fut seul avec sa femme, il s’emporta.

— Je ne te comprends pas, vraiment. Lorsque j’ai loué à l’abbé, tu boudais, tu ne voulais pas laisser entrer un chat chez toi ; maintenant, l’abbé t’amènerait toute sa famille, toute la séquelle, jusqu’aux arrière-petits-cousins, que tu lui dirais merci… Je t’ai pourtant assez tirée par la robe. Tu ne le sentais donc pas ? C’était bien clair, je ne voulais pas de ces gens… Ce ne sont pas d’honnêtes gens.

— Comment peux-tu le savoir ? s’écria Marthe, que l’injustice irritait. Qui te l’a dit ?

— Eh ! l’abbé Faujas lui-même… Oui, je l’ai entendu, un jour ; il causait avec sa mère.

Elle le regarda fixement. Alors, il rougit un peu, il balbutia :