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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Enfin, je le sais, cela suffit… La sœur est une sans-cœur, et le mari, un garnement. Tu as beau prendre tes airs de reine offensée : ce sont leurs paroles, je n’invente rien. Tu comprends, je n’ai pas besoin de cette clique chez moi. La vieille était la première à ne pas vouloir entendre parler de sa fille. Maintenant, l’abbé dit autrement. J’ignore ce qui a pu le retourner. Quelque nouvelle cachotterie de sa part. Il doit avoir besoin d’eux.

Marthe haussa les épaules et le laissa crier, Il donna ordre à Rose de ne pas nettoyer les chambres ; mais Rose n’obéissait plus qu’à madame. Pendant cinq jours, sa colère s’usa en paroles amères, en récriminations terribles. Quand l’abbé Faujas était là, il se contentait de bouder, il n’osait l’attaquer en face. Puis, comme toujours, il se fit une raison. Il ne trouva plus que des moqueries contre ces gens qui allaient venir. Il serra davantage les cordons de sa bourse, s’isola encore, s’enfonça tout à fait dans le cercle égoïste où il tournait. Quand les Trouche se présentèrent, un soir d’octobre, il murmura simplement :

— Diable ! ils ne sentent pas bon, ils ont de fichues mines.

L’abbé Faujas parut peu désireux de laisser voir sa sœur et son beau-frère, le jour de leur arrivée. La mère s’était postée sur le seuil de la porte. Dès qu’elle les aperçut débouchant de la place de la Sous-Préfecture, elle guetta, jetant des coups d’œil inquiets derrière elle, dans le corridor et dans la cuisine. Mais elle joua de malheur. Comme les Trouche entraient, Marthe, qui allait sortir, monta du jardin, suivie des enfants.

— Ah ! voilà toute la famille, dit-elle avec un sourire obligeant.

Madame Faujas, si maîtresse d’elle-même d’ordinaire, se troubla légèrement, balbutiant un mot de réponse. Pendant quelques minutes, on resta là, face à face, au milieu