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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

dri. Les jupes se rapprochèrent ; on parla des orgues de la cathédrale, qui avaient besoin d’être réparées ; madame de Condamin promit un reposoir superbe pour la procession de la prochaine Fête-Dieu.

L’abbé Bourrette prenait sa part du triomphe, lorsque madame Paloque, allongeant sa face de monstre, lui toucha l’épaule, en lui murmurant à l’oreille :

— Alors, monsieur l’abbé, demain, vous ne confesserez pas dans la chapelle Saint-Michel ?

Le prêtre, depuis qu’il suppléait l’abbé Compan, avait pris le confessionnal de la chapelle Saint-Michel, le plus grand, le plus commode de l’église, qui était réservé particulièrement au curé. Il ne comprit pas d’abord ; il cligna les yeux, en regardant madame Paloque.

— Je vous demande, reprit-elle, si vous reprendrez demain votre ancien confessionnal dans la chapelle des Saints-Anges.

Il devint un peu pâle et garda le silence un instant encore. Il baissait les yeux sur le tapis, éprouvant une légère douleur à la nuque, comme s’il venait d’être frappé par-derrière. Puis, sentant que madame Paloque restait là, à le dévisager :

— Certainement, balbutia-t-il, je reprends mon ancien confessionnal… Venez à la chapelle des Saints-Anges, la première à gauche, du côté du cloître… Elle est très-humide. Couvrez-vous bien, chère dame, couvrez-vous bien.

Il avait des larmes au bord des paupières. Il s’était pris de tendresse pour le beau confessionnal de la chapelle Saint-Michel, où le soleil entrait, l’après-midi, juste à l’heure de la confession. Jusque-là, il n’avait éprouvé aucun regret à remettre la cathédrale aux mains de l’abbé Faujas ; mais ce petit fait, ce déménagement d’une chapelle à une autre, lui parut horriblement pénible ; il lui sembla que le but de toute sa vie était manqué. Madame Paloque fit remarquer à