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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

raient le bassin. Il avait témoigné le désir de voir le jet d’eau marcher ; ce bassin sans eau était triste, disait-il. Mouret ne voulait pas, prétendait qu’il pouvait arriver des accidents ; mais Marthe avait arrangé les choses, en décidant qu’on entourerait le bassin d’un grillage.

— Monsieur le curé, cria Rose, il y a là monsieur le juge de paix qui vous demande.

L’abbé Faujas se hâta. Il voulait faire monter M. Maffre au second, à son appartement ; mais Rose avait déjà ouvert la porte du salon.

— Entrez donc, disait-elle. Est-ce que vous n’êtes pas chez vous ici ! Il est inutile de faire monter deux étages à monsieur le juge de paix… Seulement, si vous m’aviez prévenue ce matin, j’aurais épousseté le salon.

Comme elle refermait la porte sur eux, après avoir ouvert les volets, Mouret l’appela dans la salle à manger.

— C’est ça, Rose, dit-il, tu lui donneras mon dîner, ce soir, à ton curé, et, s’il n’a pas assez de couvertures en haut, tu l’apporteras dans mon lit, n’est-ce pas ?

La cuisinière échangea un regard d’intelligence avec Marthe, qui travaillait devant la fenêtre, en attendant que le soleil eût quitté la terrasse. Puis, haussant les épaules :

— Tenez, monsieur, murmurait-elle, vous n’avez jamais eu bon cœur.

Et elle s’en alla. Marthe continua à travailler sans lever la tête. Depuis quelques jours, elle s’était remise au travail avec une sorte de fièvre. Elle brodait une nappe d’autel ; c’était un cadeau pour la cathédrale. Ces dames voulaient donner un autel tout entier. Mesdames Rastoil et Delangre s’étaient chargées des candélabres, madame de Condamin faisait venir de Paris un superbe christ d’argent.

Cependant, dans le salon, l’abbé Faujas adressait de douces remontrances à M. Maffre, en lui disent que le docteur Porquier était un homme religieux, d’une grande