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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

rez qu’avant trois jours ce sera le Faujas qui sera l’enfant gâté.

— Je ne crois pas, reprit madame Paloque ; cette fois, c’est sérieux… Il paraît que l’abbé Faujas attire de gros désagréments à monseigneur. Il aurait fait anciennement des sermons qui ont beaucoup déplu à Rome. Je ne puis pas vous expliquer ça tout au long, moi. Enfin je sais que monseigneur a reçu de Rome des lettres de reproches, dans lesquelles on lui dit de se tenir sur ses gardes… On prétend que l’abbé Faujas est un agent politique.

— Qui prétend cela ? demanda madame Rougon, en clignant les yeux comme pour suivre la procession, qui s’allongeait dans la rue de la Banne.

— Je l’ai entendu dire, je ne sais plus », dit la femme du juge d’un air indifférent.

Et elle se retira, assurant qu’on devait mieux voir de la fenêtre d’à côté. M. de Condamin prit sa place auprès de madame Rougon, à laquelle il dit à l’oreille :

— Je l’ai vue entrer déjà deux fois chez l’abbé Fenil ; elle complote certainement quelque chose avec lui… L’abbé Faujas a dû marcher sur cette vipère, et elle cherche à le mordre… Si elle n’était pas si laide, je lui rendrais le service de l’avertir que jamais son mari ne sera président.

— Pourquoi ? Je ne comprends pas, murmura la vieille dame d’un air naïf.

M. de Condamin la regarda curieusement ; puis il se mit à rire.

Les deux derniers gendarmes de la procession venaient de disparaître au coin du cours Sauvaire. Alors, les quelques personnes que madame Rougon avaient invitées à venir voir bénir le reposoir, rentrèrent dans le salon, causant un instant de la bonne grâce de monseigneur, des bannières neuves des congrégations, surtout des jeunes filles de l’œuvre de la Vierge, dont le passage venait d’être très-remar-