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LES ROUGON-MACQUART.

— Si vous aviez voulu, Octavie, nous aurions gouverné Plassans à nous deux. Je vous avais offert de reprendre cette vie si douce…

— Décidément, vous êtes un sot, interrompit-elle d’une voix fâchée. Vous m’agacez avec votre « Octavie ». Je suis madame de Condamin pour tout le monde, mon cher… Vous ne comprenez donc rien ? J’ai trente mille francs de rente ; je règne sur toute une sous-préfecture ; je vais partout, je suis partout respectée, saluée, aimée. Ceux qui soupçonneraient le passé, n’auraient que plus d’amabilité pour moi… Qu’est-ce que je ferais de vous, bon Dieu ! Vous me gêneriez. Je suis une honnête femme, mon cher.

Elle s’était levée. Elle s’approcha du docteur Porquier, qui, selon son habitude, venait après ses visites passer une heure dans le jardin de la sous-préfecture, pour entretenir sa belle clientèle.

— Oh ! docteur, j’ai une migraine, mais une migraine ! dit-elle avec des mines charmantes. Ça me tient là, dans le sourcil gauche.

— C’est le côté du cœur, madame, répondit galamment le docteur.

Madame de Condamin sourit, sans pousser plus loin la consultation. Madame Paloque se pencha à l’oreille de son mari, qu’elle amenait chaque jour, afin de le recommander constamment à l’influence du sous-préfet :

— Il ne les guérit pas autrement, murmura-t-elle.

Cependant, M. Péqueur des Saulaies, après avoir rejoint M. de Condamin et M. Delangre, manœuvrait habilement pour les conduire du côté de la porte charretière. Quand il n’en fut plus qu’à quelques pas, il s’arrêta, comme intéressé par la partie de volant qui continuait dans l’impasse. L’abbé Surin, les cheveux au vent, les manches de la soutane retroussées, montrant ses poignets blancs et minces comme ceux d’une femme, venait de reculer la distance, en plaçant