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LES ROUGON-MACQUART.

tilement… Mon Dieu ! comment faire pour empêcher cet homme d’écrire ? Ce serait à mourir de honte, si une pareille lettre arrivait à la mairie et à l’évêché. Oui, je connais mon frère, il en mourrait.

Alors, les larmes montèrent aussi aux yeux de Marthe. Elle était toute pâle, elle serrait les mains d’Olympe. Puis, sans que celle-ci lui eût rien demandé, elle offrit ses cent francs.

— C’est peu sans doute ; mais, si cela pouvait conjurer le péril ? demanda-t-elle avec anxiété.

— Cent francs, cent francs, répétait Olympe ; non, non, il ne se contentera jamais de cent francs.

Marthe fut désespérée. Elle jurait qu’elle ne possédait pas davantage. Elle s’oublia jusqu’à parler des burettes. Si elle ne les avait pas achetées, elle aurait pu donner les trois cents francs. Les yeux de madame Trouche s’étaient allumés.

— Trois cents francs, c’est juste ce qu’il demande, dit-elle. Allez, vous auriez rendu un plus grand service à mon frère, en ne lui faisant pas ce cadeau, qui restera à l’église, d’ailleurs. Que de belles choses les dames de Besançon lui ont apportées ! Aujourd’hui, il n’en est pas plus riche pour cela. Ne donnez plus rien, c’est une volerie. Consultez-moi. Il y a tant de misères cachées ! Non, cent francs ne suffiront jamais.

Au bout d’une grande demi-heure de lamentations, lorsqu’elle vit que Marthe n’avait réellement que cent francs, elle finit cependant par les accepter.

— Je vais les envoyer pour faire patienter cet homme, murmura-t-elle, mais il ne nous laissera pas la paix longtemps… Et surtout, je vous en supplie, ne parlez pas de cela à mon frère ; vous le tueriez… Il vaut mieux aussi que mon mari ignore nos petites affaires ; il est si fier, qu’il ferait des bêtises pour s’acquitter envers vous. Entre femmes, on s’entend toujours.