Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
219
LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

des paquets de linge ; et, lorsqu’elle les donna à l’abbé Faujas, dans la sacristie de Saint-Saturnin, elle tremblait, elle balbutiait. Lui, la gronda amicalement. Il n’aimait point les cadeaux ; il parlait de l’argent avec le dédain d’un homme fort, qui n’a que des besoins de puissance et de domination. Pendant ses deux premières années de misère, même les jours où sa mère et lui vivaient de pain et d’eau, il n’avait jamais songé à emprunter dix francs aux Mouret.

Marthe trouva une cachette sûre pour les cent francs qui lui restaient.

Elle devenait avare, elle aussi ; elle calculait l’emploi de cet argent, achetait chaque matin une chose nouvelle. Comme elle restait très-hésitante, Rose lui apprit que madame Trouche voulait lui parler en particulier. Olympe, qui s’arrêtait pendant des heures dans la cuisine, était devenue l’amie intime de Rose, à laquelle elle empruntait souvent quarante sous, pour ne pas avoir à remonter les deux étages, les jours où elle disait avoir oublié son porte-monnaie.

— Montez la voir, ajouta la cuisinière ; vous serez mieux pour causer… Ce sont de braves gens, et qui aiment beaucoup monsieur le curé. Ils ont eu bien des tourments, allez. Ça fend le cœur, tout ce que madame Olympe m’a raconté.

Marthe trouva Olympe en larmes. Ils étaient trop bons, on avait toujours abusé d’eux ; et elle entra dans des explications sur leurs affaires de Besançon, où la coquinerie d’un associé leur avait mis de lourdes dettes sur le dos. Le pis était que les créanciers se fâchaient. Elle venait de recevoir une lettre d’injures, dans laquelle on la menaçait d’écrire au maire et à l’évêque de Plassans.

— Je suis prête à tout souffrir, ajouta-t-elle en sanglotant ; mais je donnerais ma tête, pour que mon frère ne fût pas compromis… Il a déjà trop fait pour nous ; je ne veux lui parler de rien, car il n’est pas riche, il se tourmenterait inu-