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LES ROUGON-MACQUART.

l’aurions acheté. Un homme qui dort sur les pièces de cent sous, qu’est-ce que ça pouvait lui faire ? une méchante somme de trois mille francs, je crois… Il a refusé. La dernière fois, il m’a même fait dire par ta mère qu’il n’y était pas… Tu verras, ça ne leur portera pas bonheur.

Et il répéta plusieurs fois, hochant la tête, retrouvant son rire mauvais :

— Non, ça ne leur portera pas bonheur.

Puis, il alla chercher des verres, voulant absolument faire goûter son vin aux deux femmes. C’était le petit vin de Saint-Eutrope, un vin qu’il avait découvert ; il le buvait avec religion. Marthe trempa à peine ses lèvres. Olympe acheva de vider la bouteille. Elle accepta ensuite un verre de sirop. Le vin était bien fort, disait-elle.

— Et ton curé, qu’est-ce que tu en fais ? demanda tout à coup l’oncle à sa nièce.

Marthe, surprise, choquée, le regarda sans répondre.

— On m’a dit qu’il te serrait de près, continua l’oncle bruyamment. Ces soutanes n’aiment qu’à godailler. Quand on m’a raconté ça, j’ai répondu que c’était bien fait pour Mouret. Je l’avais averti… Ah ! c’est moi qui te flanquerais le curé à la porte. Mouret n’a qu’à venir me demander conseil ; je lui donnerai même un coup de main, s’il veut. Je n’ai jamais pu les souffrir, ces animaux-là… J’en connais un, l’abbé Fenil, qui a une maison de l’autre côté de la route. Il n’est pas meilleur que les autres ; mais il est malin comme un singe, il m’amuse. Je crois qu’il ne s’entend pas très-bien avec ton curé, n’est-ce pas ?

Marthe était devenue toute pâle.

— Madame est la sœur de monsieur l’abbé Faujas, dit-elle en montrant Olympe, qui écoutait curieusement.

— Ça ne touche pas madame, ce que je dis, reprit l’oncle sans se déconcerter. Madame n’est pas fâchée… Elle va reprendre un peu de sirop.