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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

barricadées. Chaque nuit, ils allaient ainsi au vice, en compagnie du fils Porquier.

— Ah bien ! leur dit celui-ci, lorsqu’ils eurent gagné en silence les ruelles noires des remparts, nous aurions tort de nous gêner… Si mon père parle encore de m’envoyer faire pénitence dans quelque trou, j’ai de quoi lui répondre… Voulez-vous parier que je me fais recevoir du cercle de la Jeunesse, quand je voudrai ?

Les fils Maffre tinrent le pari. Tous trois se glissèrent dans une maison jaune, à persiennes vertes, adossée dans un angle des remparts, au fond d’un cul-de-sac.

La nuit suivante, Marthe eut une crise épouvantable. Elle avait assisté, le matin, à une longue cérémonie religieuse, qu’Olympe avait tenu à voir jusqu’au bout. Lorsque Rose et les locataires accoururent aux cris déchirants qu’elle jetait, ils la trouvèrent étendue au pied du lit, le front fendu. Mouret, à genoux au milieu des couvertures, frissonnait.

— Cette fois, il l’a tuée ! cria la cuisinière.

Et elle le prit entre ses bras, bien qu’il fût en chemise, le poussa à travers la chambre, jusque dans son bureau, dont la porte se trouvait de l’autre côté du palier ; elle retourna lui jeter un matelas et des couvertures. Trouche était parti en courant chercher le docteur Porquier. Le docteur pansa la plaie de Marthe ; deux lignes plus bas, dit-il, le coup était mortel. En bas, dans le vestibule, devant tout le monde, il déclara qu’il fallait agir, qu’on ne pouvait laisser plus longtemps la vie de madame Mouret à la merci d’un fou furieux.

Marthe dut garder le lit, le lendemain. Elle avait encore un peu de délire ; elle voyait une main de fer qui lui ouvrait le crâne avec une épée flamboyante. Rose refusa absolument à Mouret de le laisser entrer. Elle lui servit à déjeuner dans le bureau, sur la table poussiéreuse. Il ne man-