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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

jusque là n’avait soupçonné la force. Les politiques du cercle du Commerce se regardaient d’un air perplexe, en hommes que la victoire confond.

Le soir, la société de M. Rastoil se réunit à la société de M. Péqueur des Saulaies, pour se réjouir discrètement dans un petit salon de la sous-préfecture, donnant sur les jardins. On prit le thé. Le grand triomphe de la journée achevait de fondre les deux groupes en un seul. Tous les habitués étaient là.

— Je n’ai fait de l’opposition systématique à aucun gouvernement, finit par déclarer M. Rastoil en acceptant des petits fours que lui passait M. Péqueur des Saulaies. La magistrature doit se désintéresser des luttes politiques. Je confesse même volontiers que l’empire a déjà accompli de grandes choses et qu’il est appelé à en réaliser de plus grandes, s’il persiste dans la voie de la justice et de la liberté.

Le sous-préfet s’inclina, comme si ces éloges se fussent adressés personnellement à lui. La veille, M. Rastoil avait lu au Moniteur le décret nommant son fils Séverin substitut à Faverolles. On causait beaucoup aussi d’un mariage, arrêté entre Lucien Delangre et l’aînée des demoiselles Rastoil.

— Oui, c’est une affaire faite, répondit tout bas M. de Condamin à madame Paloque, qui venait de le questionner à ce sujet. Il a choisi Angeline. Je crois qu’il aurait préféré Aurélie. Mais on lui aura fait comprendre qu’on ne pouvait décemment marier la cadette avant l’aînée.

— Angéline, vous êtes sûr ? murmura méchamment madame Paloque ; je croyais qu’Angeline avait une ressemblance…

Le conservateur des eaux et forêts mit un doigt sur ses lèvres, en souriant.

— Enfin, c’est au petit bonheur, n’est-ce pas ? continua-t-elle. Les liens seront plus forts entre les deux familles… On