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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

Satan ! Je vous battrai pour faire sortir le mauvais ange de votre corps.

Elle s’était laissé glisser, assise à demi contre le mur, muette de terreur, devant le poing dont le prêtre la menaçait. Ses cheveux se dénouaient, une grande mèche blanche lui barrait le front. Lorsque, cherchant un secours dans la chambre nue, elle aperçut le christ de bois noir, elle eut encore la force de tendre les mains vers lui, d’un geste passionné.

— N’implorez pas la croix, s’écria le prêtre au comble de l’emportement. Jésus a vécu chaste, et c’est pour cela qu’il a su mourir.

Madame Faujas rentrait, tenant au bras un gros panier de provisions. Elle se débarrassa vite, en voyant son fils dans cette épouvantable colère. Elle lui prit les bras :

— Ovide, calme-toi, mon enfant, murmura-t-elle en le caressant.

Et, se tournant vers Marthe écrasée, la foudroyant du regard :

— Vous ne pouvez donc pas le laisser tranquille !… Puisqu’il ne veut pas de vous, ne le rendez pas malade, au moins. Allons, descendez, il est impossible que vous restiez là.

Marthe ne bougeait pas. Madame Faujas dut la relever et la pousser vers la porte ; elle grondait, l’accusait d’avoir attendu qu’elle fût sortie, lui faisait promettre de ne plus remonter pour bouleverser la maison par de pareilles scènes. Puis, elle ferma violemment la porte sur elle.

Marthe descendit en chancelant. Elle ne pleurait plus. Elle répétait :

— François reviendra, François les mettra tous à la rue.