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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

Les grondements de Rose se perdaient dans les cahots de la voiture.

Aux Tulettes, Marthe se dirigea vivement vers la maison de l’oncle Macquart, suivie de la cuisinière, qui se taisait maintenant, haussant les épaules, les lèvres pincées.

— Comment ! c’est toi ! s’écria l’oncle, très surpris. Je te croyais dans ton lit. On m’avait raconté que tu étais malade… Eh ! eh ! petite, tu n’as pas l’air fort… Est-ce que tu viens me demander à dîner ?

— Je voudrais voir François, mon oncle, dit Marthe.

— François ? répéta Macquart en la regardant en face, tu voudrais voir François ? C’est l’idée d’une bonne femme. Le pauvre garçon a assez crié après toi. Je l’apercevais du bout de mon jardin, qui donnait des coups de poing dans les murs en t’appelant… Ah ! tu viens le voir ? Je croyais que vous l’aviez tous oublié là-bas.

De grosses larmes étaient montées aux yeux de Marthe.

— Ce ne sera pas facile de le voir aujourd’hui, continua Macquart. Il va être quatre heures. Puis, je ne sais trop si le directeur voudra te donner la permission. Mouret n’est pas sage depuis quelque temps ; il casse tout, il parle de mettre le feu à la boutique. Dame ! les fous ne sont pas aimables tous les jours.

Elle écoutait, toute frissonnante. Elle allait questionner l’oncle, mais elle se contenta de tendre les mains vers lui.

— Je vous en supplie, dit-elle. J’ai fait le voyage exprès ; il faut absolument que je parle à François aujourd’hui, à l’instant… Vous avez des amis dans la maison, vous pouvez m’ouvrir les portes.

— Sans doute, sans doute, murmura-t-il, sans se prononcer plus nettement.

Il semblait pris d’une grande perplexité, ne pénétrant pas clairement la cause de ce voyage brusque, paraissant discuter le cas à un point de vue personnel, connu de lui