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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

poser sur les tables des pièces, sur les paliers de l’escalier, le long des corridors. Puis, il transporta le reste des fascines de buis. Les tas s’élevaient plus haut que les portes. Mais, en faisant un dernier voyage, il leva les yeux, il aperçut les fenêtres. Alors, il retourna chercher les arbres fruitiers et dressa un bûcher sous les fenêtres, en ménageant fort habilement les courants d’air pour que la flamme fût belle. Le bûcher lui parut petit.

— Il n’y a plus rien, répétait-il ; il faut qu’il n’y ait plus rien.

Il se souvint, il descendit à la cave, recommença ses voyages. Maintenant, il remontait la provision de chauffage pour l’hiver : le charbon, les sarments, le bois. Le bûcher, sous les fenêtres, grandissait. À chaque paquet de sarments qu’il rangeait proprement, il était secoué d’une satisfaction plus vive. Il distribua ensuite le combustible dans les pièces du rez-de-chaussée, en laissa un tas dans le vestibule, un autre dans la cuisine. Il finit par renverser les meubles, par les pousser sur les tas. Une heure lui avait suffi pour cette rude besogne. Sans souliers, courant les bras chargés, il s’était glissé partout, avait tout charrié avec une telle adresse qu’il n’avait pas laissé tomber une seule bûche trop rudement. Il semblait doué d’une vie nouvelle, d’une logique de mouvements extraordinaires. Il était, dans l’idée fixe, très fort, très intelligent.

Quand tout fut prêt, il jouit un instant de son œuvre. Il allait de tas en tas, se plaisait à la forme carrée des bûchers, faisait le tour de chacun d’eux, en frappant doucement dans ses mains d’un air de satisfaction extrême. Quelques morceaux de charbon étant tombés le long de l’escalier, il courut chercher un balai, enleva proprement la poussière noire des marches. Il acheva ainsi son inspection, en bourgeois soigneux qui entend faire les choses comme elles doivent être faites, d’une façon réfléchie. La jouissance l’effarait peu à