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LES ROUGON-MACQUART.

peu ; il se courbait, se retrouvait à quatre pattes, courant sur les mains, soufflant plus fort, avec un ronflement de joie terrible.

Alors, il prit un sarment. Il alluma les tas. Il commença par les tas de la terrasse, sous les fenêtres. D’un bond, il rentra, enflamma les tas du salon et de la salle à manger, de la cuisine et du vestibule. Puis il sauta d’étage en étage, jetant les débris embrasés de son sarment sur les tas barrant les portes des Trouche et des Faujas. Une fureur croissante le secouait, la grande clarté de l’incendie achevait de l’affoler. Il descendit à deux reprises avec des sauts prodigieux, tournant sur lui-même, traversant l’épaisse fumée, activant de son souffle les brasiers, dans lesquels il rejetait des poignées de charbons ardents. La vue des flammes s’écrasant déjà aux plafonds des pièces le faisait asseoir par moments sur le derrière, riant, applaudissant de toute la force de ses mains.

Cependant, la maison ronflait comme un poêle trop bourré. L’incendie éclatait sur tous les points à la fois, avec une violence qui fendait les planchers. Le fou remonta, au milieu des nappes de feu, les cheveux grillés, les vêtements noircis. Il se posta au second étage, accroupi sur les poings, avançant sa tête grondante de bête. Il gardait le passage, il ne quittait pas du regard la porte du prêtre.

— Ovide ! Ovide ! appela une voix terrible.

Au fond du corridor, la porte de madame Faujas s’étant brusquement ouverte, la flamme s’engouffra dans la chambre avec le roulement d’une tempête. La vieille femme parut au milieu du feu. Les mains en avant, elle écarta les fascines qui flambaient, sauta dans le corridor, rejeta à coups de pied, à coups de poing, les tisons qui masquaient la porte de son fils, qu’elle continuait à appeler désespérément. Le fou s’était aplati davantage, les yeux ardents, se plaignant toujours.