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LES ROUGON-MACQUART.

au milieu de la fumée en brandissant un sarment allumé. Presque aussitôt des flammes s’échappèrent par toutes les ouvertures du rez-de-chaussée. Le sous-préfet s’empressa de remettre son pantalon ; il appela son domestique, lança le concierge à la recherche des pompiers et des autorités. Puis, avant de se rendre sur le lieu du sinistre, il acheva de s’habiller, s’assurant devant une glace de la correction de sa moustache. Il arriva le premier rue Balande. La rue était absolument déserte ; deux chats la traversaient en courant.

— Ils vont se laisser griller comme des côtelettes, là-dedans ! pensa M. Péqueur des Saulaies, étonné du sommeil paisible de la maison, sur la rue, où pas une flamme ne se montrait encore.

Il frappa violemment, mais il n’entendit que le ronflement de l’incendie, dans la cage de l’escalier. Il frappa alors à la porte de M. Rastoil. Là, des cris perçants s’élevaient, accompagnés de piétinements, de claquements de portes, d’appels étouffés.

— Aurélie, couvre-toi les épaules ! criait la voix du président.

M. Rastoil se précipita sur le trottoir, suivi de madame Rastoil et de la cadette de ses demoiselles, celle qui n’était pas encore mariée. Aurélie dans sa précipitation, avait jeté sur ses épaules un paletot de son père, qui lui laissait les bras nus ; elle devint toute rouge, lorsqu’elle aperçut M. Péqueur des Saulaies.

— Quel épouvantable malheur ! balbutiait le président. Tout va brûler. Le mur de ma chambre est déjà chaud. Les deux maisons n’en font qu’une, si j’ose dire… Ah ! monsieur le sous-préfet, je n’ai pas même pris le temps d’enlever les pendules. Il faut organiser les secours. On ne peut pas perdre son mobilier en quelques heures.

Madame Rastoil, à demi vêtue d’un peignoir, pleurait le