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LES ROUGON-MACQUART.

— Il n’y a que Bourdeu et Delangre qui regrettent l’abbé, murmura M. de Condamin à l’oreille de madame Paloque.

— Ils avaient des affaires avec lui, répondit tranquillement celle-ci. Voyez donc, voici l’abbé Bourrette. Celui-là pleure pour de bon.

L’abbé Bourrette, qui avait fait la chaîne, sanglotait à chaudes larmes. Le pauvre homme n’entendait pas les consolations. Jamais il ne voulut s’asseoir dans un fauteuil ; il resta debout, les yeux troubles, regardant brûler les dernières poutres. On avait aussi vu l’abbé Surin ; mais il avait disparu, après avoir écouté, de groupe en groupe, les renseignements qui couraient.

— Allons nous coucher, répéta M. de Bourdeu. C’est bête à la fin de rester là.

Toute la société se leva. Il fut décidé que M. Rastoil, sa dame et sa demoiselle, passeraient la nuit chez les Paloque. Madame de Condamin donnait de petites tapes sur sa jupe, légèrement froissée. On recula les fauteuils, on se tint un instant debout, à se souhaiter une bonne nuit. La pompe ronflait toujours, l’incendie pâlissait, au milieu d’une fumée noire ; on n’entendait plus que le piétinement affaibli de la foule et la hache attardée d’un pompier abattant une charpente.

— C’est fini, pensa Macquart, qui n’avait pas quitté le trottoir d’en face.

Il resta pourtant encore un instant, à écouter les dernières paroles que M. de Condamin échangeait à demi-voix avec madame Paloque.

— Bah ! disait la femme du juge, personne ne le pleurera, si ce n’est cette grosse bête de Bourrette. Il était devenu insupportable, nous étions tous esclaves. Monseigneur doit rire à l’heure qu’il est… Enfin, Plassans est délivré !