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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

chinelle, ici, à gauche… Ils se sont connus intimement, il y a quelque dix ans. On dit qu’une des deux demoiselles est de lui, mais on ne sait plus bien laquelle… Le plus drôle est que Delangre, vers la même époque, a eu de petits ennuis avec sa femme ; on raconte que sa fille est d’un peintre que tout Plassans connaît.

L’abbé Faujas avait cru devoir prendre une mine grave pour recevoir de pareilles confidences ; il fermait complètement les paupières ; il semblait ne plus entendre. M. de Condamin reprit, comme pour se justifier :

— Si je me permets de parler ainsi de Delangre, c’est que je le connais beaucoup. Il est diantrement fort, ce diable d’homme ! Je crois que son père était maçon. Il y a une quinzaine d’années, il plaidait les petits procès dont les autres avocats ne voulaient pas. Madame Rastoil l’a positivement tiré de la misère ; elle lui envoyait jusqu’à du bois l’hiver, pour qu’il eût bien chaud. C’est par elle qu’il a gagné ses premières causes… Remarquez que Delangre avait alors l’habileté de ne montrer aucune opinion politique. Aussi, en 52, lorsqu’on a cherché un maire, a-t-on immédiatement songé à lui ; lui seul pouvait accepter une pareille situation sans effrayer aucun des trois quartiers de la ville. Depuis ce temps, tout lui a réussi. Il a le plus bel avenir. Le malheur est qu’il ne s’entend guère avec Péqueur ; ils discutent toujours ensemble sur des bêtises.

Il s’arrêta, en voyant revenir le grand jeune homme avec lequel il causait un instant auparavant.

— Monsieur Guillaume Porquier, dit-il en le présentant à l’abbé, le fils du docteur Porquier.

Puis, lorsque Guillaume se fut assis, il lui demanda en ricanant :

— Eh bien ! qu’avez-vous vu de beau là, à côté ?

— Rien assurément, répondit le jeune homme d’un ton plaisant. J’ai vu les Paloque. Madame Rougon tâche tou-