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LA CURÉE

rédemption, l’empereur, au bras du général, passer entre les deux files d’épaules inclinées.

Un seul homme, Baptiste, le valet de chambre de son mari, continuait à l’inquiéter. Depuis que Saccard se montrait galant, ce grand valet pâle et digne lui semblait marcher autour d’elle, avec la solennité d’un blâme muet. Il ne la regardait pas, ses regards froids passaient plus haut, par-dessus son chignon, avec des pudeurs de bedeau refusant de souiller ses yeux sur la chevelure d’une pécheresse. Elle s’imaginait qu’il savait tout, elle aurait acheté son silence si elle eût osé. Puis des malaises la prenaient, elle éprouvait une sorte de respect confus quand elle rencontrait Baptiste, se disant que toute l’honnêteté de son entourage s’était retirée et cachée sous l’habit noir de ce laquais.

Elle demanda un jour à Céleste :

— Est-ce que Baptiste plaisante à l’office ? Lui connaissez-vous quelque aventure, quelque maîtresse ?

— Ah bien ! oui ! se contenta de répondre la femme de chambre.

— Voyons, il a dû vous faire la cour ?

— Eh ! il ne regarde jamais les femmes. C’est à peine si nous l’apercevons… Il est toujours chez monsieur ou dans les écuries… Il dit qu’il aime beaucoup les chevaux.

Renée s’irritait de cette honnêteté, insistait, aurait voulu pouvoir mépriser ses gens. Bien qu’elle se fût prise d’affection pour Céleste, elle se serait réjouie de lui savoir des amants.

— Mais vous, Céleste, ne trouvez-vous pas que Baptiste est un beau garçon ?

— Moi, madame ! s’écria la chambrière, de l’air stupé-