Page:Emile Zola - La Curée.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
308
LES ROUGON-MACQUART

qu’elle. Le préfet se tourna, montrant son dos aux spectateurs, et l’on put le voir causant avec la marquise, que les rideaux cachaient. Il étouffa sa voix, disant, avec des saluts lancés du bout des doigts :

— Mes compliments, marquise. Votre costume est délicieux.

— J’en ai un bien plus joli dessous ! répliqua cavalièrement la jeune femme, qui lui éclata de rire au nez, tant elle le trouvait drôle, enfoui de la sorte dans les draperies.

L’audace de cette plaisanterie étonna un instant le galant M. Hupel de la Noue ; mais il se remit, et goûtant de plus en plus le mot, à mesure qu’il l’approfondissait :

— Ah ! charmant ! charmant ! murmura-t-il d’un air ravi.

Il laissa retomber le coin du rideau, il vint se joindre au groupe des hommes graves, voulant jouir de son œuvre. Ce n’était plus l’homme effaré courant après la ceinture de feuillage de la nymphe Écho. Il était radieux, soufflant, s’essuyant le front. Il avait toujours la petite main blanche sur la manche de son habit ; et de plus, le gant de sa main droite était taché de rouge au bout du pouce ; sans doute il avait trempé ce doigt dans le pot de fard d’une de ces dames. Il souriait, il s’éventait, il balbutiait :

— Elle est adorable, ravissante, stupéfiante.

— Qui donc ? demanda Saccard.

— La marquise. Imaginez-vous qu’elle vient de me dire…

Et il raconta le mot. On le trouva tout à fait réussi. Ces messieurs se le répétèrent. Le digne M. Haffner, qui