Page:Emile Zola - La Curée.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
309
LA CURÉE

s’était approché, ne put lui-même s’empêcher d’applaudir. Cependant, un piano, que peu de personnes avaient vu, se mit à jouer une valse. Il se fit alors un grand silence. La valse avait des enroulements capricieux, interminables ; et toujours une phrase très douce montait le clavier, se perdait dans un trille de rossignol ; puis des voix sourdes reprenaient, plus lentement. C’était très voluptueux. Les dames, la tête un peu inclinée, souriaient. Le piano avait, au contraire, fait tomber brusquement la gaieté de M. Hupel de la Noue. Il regardait les rideaux de velours rouge d’un air anxieux, il se disait qu’il aurait dû placer lui-même madame d’Espanet comme il avait placé les autres.

Les rideaux s’ouvrirent doucement, le piano reprit en sourdine la valse sensuelle. Un murmure courut dans le salon. Les dames se penchaient, les hommes allongeaient la tête, tandis que l’admiration se traduisait çà et là par une parole dite trop haut, un soupir inconscient, un rire étouffé. Cela dura cinq grandes minutes, sous le flamboiement des trois lustres.

M. Hupel de la Noue, rassuré, souriait béatement à son poème. Il ne put résister à la tentation de répéter aux personnes qui l’entouraient ce qu’il disait depuis un mois :

— J’avais songé à faire ça en vers… Mais, n’est-ce pas ? c’est plus noble de lignes…

Puis, pendant que la valse allait et venait dans un bercement sans fin, il donna des explications. Les Mignon et Charrier s’étaient approchés et l’écoutaient attentivement.

— Vous connaissez le sujet, n’est-ce pas ? Le beau Narcisse, fils du fleuve Céphise et de la nymphe Liriope,