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LES ROUGON-MACQUART

valier dos à dos avec la dame, puis une autre dame devant le cavalier, et cela à la file, couple par couple, en long serpent. Comme des danseuses causaient, s’attardaient :

— Voyons, mesdames, cria-t-il, en place pour les « Colonnes. »

Elles vinrent, les « colonnes » furent formées. L’indécence qu’il y avait à se trouver ainsi prise, serrée entre deux hommes, appuyée contre le dos de l’un, ayant devant soi la poitrine de l’autre, égayait beaucoup les dames. Les pointes des seins touchaient les parements des habits, les jambes des cavaliers disparaissaient dans les jupes des danseuses, et quand une gaieté brusque faisait pencher une tête, les moustaches d’en face étaient obligées de s’écarter, pour ne pas pousser les choses jusqu’au baiser. Un farceur, à un moment, dut donner une légère poussée ; la file se raccourcit, les habits entrèrent plus profondément dans les jupes ; il y eut de petits cris, et des rires, des rires qui n’en finissaient plus. On entendit la baronne de Meinhold dire : « Mais, monsieur, vous m’étouffez ; ne me serrez pas si fort ! » ce qui parut si drôle, ce qui donna à toute la file un accès d’hilarité si fou, que les « colonnes, » ébranlées, chancelaient, s’entre-choquaient, s’appuyaient les unes sur les autres, pour ne pas tomber. M. de Saffré, les mains levées, prêt à frapper, attendait. Puis il frappa. À ce signal, tout d’un coup, chacun se retourna. Les couples qui étaient face à face, se prirent à la taille, et la file égrena dans le salon son chapelet de valseurs. Il n’y eut que le pauvre duc de Rozan qui, en se tournant, se trouva le nez contre le mur. On se moqua de lui.

— Viens, dit Renée à Maxime.

L’orchestre jouait toujours la valse. Cette musique