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LA CURÉE

Elle souriait, avec une pointe de tristesse, dans son costume de page. Une toux sèche fit monter des lueurs rouges à ses joues.

— C’est le nougat, dit-elle. À la maison, on me défend d’en manger… Passez-moi l’assiette, je vais fourrer le reste dans ma poche.

Et elle vidait l’assiette, quand Renée entra. Elle vint droit à Maxime, en faisant des efforts inouïs pour ne pas jurer, pour ne pas battre cette bossue qu’elle trouvait là, attablée avec son amant.

— Je veux te parler, bégaya-t-elle d’une voix sourde.

Il hésitait, pris de peur, redoutant un tête-à-tête.

— À toi seul, tout de suite, répétait Renée.

— Allez donc, Maxime, dit Louise avec son regard indéfinissable. Vous tâcherez, en même temps, de retrouver mon père. Je l’égare à chaque soirée.

Il se leva, il essaya d’arrêter la jeune femme au milieu de la salle à manger, en lui demandant ce qu’elle avait de si pressé à lui dire. Mais elle reprit entre ses dents :

— Suis-moi, ou je dis tout devant le monde !

Il devint très pâle, il la suivit avec une obéissance d’animal battu. Elle crut que Baptiste la regardait ; mais, à cette heure, elle se souciait bien des regards clairs de ce valet ! À la porte, le cotillon la retint une troisième fois.

— Attends, murmura-t-elle. Ces imbéciles n’en finiront pas.

Et elle lui prit la main pour qu’il n’essayât pas de s’échapper.

M. de Saffré plaçait le duc de Rozan, le dos contre le mur, dans un angle du salon, à côté de la porte de la salle à manger. Il mit une dame devant lui, puis un ca-