Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/274

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— Ce n’était pas un homme, c’était lui, répondit-elle en désignant du menton le fils Cuche. Il m’avait poussée par-derrière…

De nouveau, il l’interrompit.

— Oui, oui, j’ai bien vu, tu avais tes guenilles par-dessus la tête. Ah ! tu commences de bonne heure, à treize ans !

Pauline lui posa la main sur le bras, car tous les autres enfants, même les plus jeunes, ouvraient des yeux rieurs, où flambaient les vices précoces. Comment arrêter cette pourriture, dans le tas où les mâles, les femelles et leurs portées se gâtaient ? Quand Pauline eut remis à la petite la paire de draps et un litre de vin, elle lui parla bas un instant, en tâchant de lui faire peur sur les suites de ces vilaines choses, qui la rendraient malade et l’enlaidiraient avant qu’elle fût une vraie femme. C’était la seule façon de la contenir.

Lazare, pour hâter cette distribution qui le répugnait et l’irritait à la longue, avait appelé la fille Prouane.

— Ton père et ta mère se sont encore grisés, hier soir… On m’a dit que tu étais plus soûle qu’eux.

— Oh ! non, monsieur, j’avais mal à la tête.

Il plaça devant elle une assiette où étaient rangées des boulettes de viande crue.

— Mange ça.

De nouveau, elle était dévorée de scrofules, des désordres nerveux avaient reparu, à l’heure critique de la puberté. L’ivrognerie redoublait son mal, car elle s’était mise à boire avec ses parents. Après avoir avalé trois boulettes, elle rechigna, en faisant une grimace de dégoût.