Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/104

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— Ça ne peut continuer ainsi, reprit-elle. Pourquoi ne vous séparez-vous pas, puisque vous ne vous entendez plus ?… Tu devrais l’envoyer à son frère Maxime, qui m’a écrit, ces jours derniers, pour la demander encore.

Il s’était redressé, pâle et énergique.

— Nous quitter fâchés, ah ! non, non, ce serait l’éternel remords, la plaie inguérissable. Si elle doit partir un jour, je veux que nous puissions nous aimer de loin… Mais pourquoi partir ? Nous ne nous plaignons ni l’un ni l’autre.

Félicité sentit qu’elle s’était trop hâtée.

— Sans doute, si cela vous plaît de vous battre, personne n’a rien à y voir… Seulement, mon pauvre ami, permets-moi, dans ce cas, de te dire que je donne un peu raison à Clotilde. Tu me forces à t’avouer que je l’ai vue tout à l’heure : oui ! ça vaut mieux que tu le saches, malgré ma promesse de silence. Eh bien ! elle n’est pas heureuse, elle se plaint beaucoup, et tu t’imagines que je l’ai grondée, que je lui ai prêché une entière soumission… Ça ne m’empêche pas de ne guère te comprendre et de juger que tu fais tout pour ne pas être heureux.

Elle s’était assise, l’avait obligé à s’asseoir dans un coin de la salle, où elle semblait ravie de le tenir seul, à sa merci. Déjà plusieurs fois, elle avait de la sorte voulu le forcer à une explication, qu’il évitait. Bien qu’elle le torturât depuis des années, et qu’il n’ignorât rien d’elle, il restait un fils déférent, il s’était juré de ne jamais sortir de cette attitude obstinée de respect. Aussi, dès qu’elle abordait certains sujets, se réfugiait-il dans un absolu silence.

— Voyons, continua-t-elle, je comprends que tu ne veuilles pas céder à Clotilde ; mais à moi ?… Si je te suppliais de me faire le sacrifice de ces abominables dossiers, qui sont là, dans l’armoire ! Admets un instant