Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/105

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que tu meures subitement et que ces papiers tombent entre des mains étrangères : nous sommes tous déshonorés… Ce n’est pas cela que tu désires, n’est-ce pas ? Alors, quel est ton but, pourquoi t’obstines-tu à un jeu si dangereux ?… Promets-moi de les brûler.

Il se taisait, il dut finir par répondre :

— Ma mère, je vous en ai déjà priée, ne causons jamais de cela… Je ne puis vous satisfaire.

— Mais enfin, cria-t-elle, donne-moi une raison. On dirait que notre famille t’est aussi indifférente que le troupeau de bœufs qui passe là-bas. Tu en es pourtant… Oh ! je sais, tu fais tout pour ne pas en être. Moi-même, parfois, je m’étonne, je me demande d’où tu peux bien sortir. Et je trouve quand même très vilain de ta part, de t’exposer ainsi à nous salir, sans être arrêté par la pensée du chagrin que tu me causes, à moi ta mère… C’est simplement une mauvaise action.

Il se révolta, il céda un moment au besoin de se défendre, malgré sa volonté de silence.

— Vous êtes dure, vous avez tort… J’ai toujours cru à la nécessité, à l’efficacité absolue de la vérité. C’est vrai, je dis tout sur les autres et sur moi ; et c’est parce que je crois fermement qu’en disant tout, je fais l’unique bien possible… D’abord, ces dossiers ne sont pas destinés au public, ils ne constituent que des notes personnelles, dont il me serait douloureux de me séparer. Ensuite, j’entends bien que ce ne sont pas eux seulement que vous brûleriez : tous mes autres travaux seraient aussi jetés au feu, n’est-ce pas ? et c’est ce que je ne veux pas, entendez-vous !… Jamais, moi vivant, on ne détruira ici une ligne d’écriture.

Mais, déjà, il regrettait d’avoir tant parlé, car il la voyait se rapprocher de lui, le presser, l’amener à la cruelle explication.