Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/13

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Elles te diront qu’il pile des os de mort dans du sang de nouveau-né.

Cette fois, pendant que Martine protestait elle-même, Clotilde se fâcha, blessée dans sa tendresse.

— Oh ! grand’mère, ne répète pas ces abominations !… Maître qui a un si grand cœur, qui ne songe qu’au bonheur de tous !

Alors, quand elle les vit l’une et l’autre s’indigner, Félicité, comprenant qu’elle brusquait trop les choses, redevint très câline.

— Mais, mon petit chat, ce n’est pas moi qui dis ces choses affreuses. Je te répète les bêtises qu’on fait courir, pour que tu comprennes que Pascal a tort de ne pas tenir compte de l’opinion publique… Il croit avoir trouvé un nouveau remède, rien de mieux ! et je veux même admettre qu’il va guérir tout le monde, comme il l’espère. Seulement, pourquoi affecter ces allures mystérieuses, pourquoi n’en pas parler tout haut, pourquoi surtout ne l’essayer que sur cette racaille du vieux quartier et de la campagne, au lieu de tenter, parmi les gens comme il faut de la ville, des cures éclatantes qui lui feraient honneur ?… Non, vois-tu, mon petit chat, ton oncle n’a jamais rien pu faire comme les autres.

Elle avait pris un ton peiné, baissant la voix pour étaler cette plaie secrète de son cœur.

— Dieu merci ! ce ne sont pas les hommes de valeur qui manquent dans notre famille, mes autres fils m’ont donné assez de satisfaction ! N’est-ce pas ? ton oncle Eugène est monté assez haut, ministre pendant douze ans, presque empereur ! et ton père lui-même a remué assez de millions, a été mêlé à d’assez grands travaux qui ont refait Paris ! Je ne parle pas de ton frère Maxime, si riche, si distingué, ni de tes cousins, Octave Mouret, un des conquérants du nouveau commerce, et notre cher abbé