Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/135

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que rien d’eux semble se retrouver dans le nouvel être… » Ma mère me l’a répété assez souvent, que je n’en étais pas, qu’elle ne savait pas d’où je pouvais bien venir !

Et c’était chez lui un cri de soulagement, une sorte de joie involontaire.

— Va, le peuple ne s’y trompe pas. M’as-tu jamais entendu appeler Pascal Rougon, dans la ville ? Non ! le monde a toujours dit le docteur Pascal, tout court. C’est que je suis à part… Et ce n’est guère tendre peut-être, mais j’en suis ravi, car il y a vraiment des hérédités trop lourdes à porter. J’ai beau les aimer tous, mon cœur n’en bat pas moins d’allégresse, lorsque je me sens autre, différent, sans communauté aucune. N’en être pas, n’en être pas, mon Dieu ! C’est une bouffée d’air pur, c’est ce qui me donne le courage de les avoir tous là, de les mettre à nu dans ces dossiers, et de trouver encore le courage de vivre !

Il se tut enfin, il y eut un silence. La pluie avait cessé, l’orage s’en allait, on n’entendait que des coups de foudre, de plus en plus lointains ; tandis que, de la campagne, noire encore, rafraîchie, montait par la fenêtre ouverte une délicieuse odeur de terre mouillée. Dans l’air qui se calmait, les bougies achevaient de brûler, d’une haute flamme tranquille.

— Ah ! dit simplement Clotilde, avec un grand geste accablé, que devenir ?

Elle l’avait crié avec angoisse, une nuit, sur l’aire : la vie était abominable, comment pouvait-on la vivre paisible et heureuse ? C’était une clarté terrible que la science jetait sur le monde, l’analyse descendait dans toutes les plaies humaines pour en étaler l’horreur. Et voilà qu’il venait encore de parler plus crûment, d’élargir la nausée qu’elle avait des êtres et des choses, en jetant sa famille