Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Maître, balbutia-t-elle, maître…

Et ils restèrent un instant face à face, à se regarder. Le jour naissait, une aube d’une pureté délicieuse, au fond du grand ciel clair, lavé par l’orage. Aucun nuage n’en tachait plus le pâle azur, teinté de rose. Tout le gai réveil de la campagne mouillée entrait par la fenêtre, tandis que les bougies, qui achevaient de se consumer, pâlissaient dans la clarté croissante.

— Réponds, veux-tu encore tout détruire, tout brûler, ici ?… Es-tu avec moi, entièrement avec moi ?

À ce moment, il crut qu’elle allait se jeter à son cou, en pleurant. Un élan soudain semblait la pousser. Mais ils se virent, dans leur demi-nudité. Elle, qui, jusque-là, ne s’était pas aperçue, eut conscience qu’elle était en simple jupon, les bras nus, les épaules nues, à peine couvertes par les mèches folles de ses cheveux dénoués ; et là, près de l’aisselle gauche, quand elle abaissa les regards, elle retrouva les quelques gouttes de sang, la meurtrissure qu’il lui avait faite en luttant, pour la dompter, dans une étreinte brutale. Ce fut alors, en elle, une confusion extraordinaire, une certitude qu’elle allait être vaincue, comme si, par cette étreinte, il était devenu son maître, en tout et à jamais. La sensation s’en prolongeait, elle était envahie, entraînée au-delà de son vouloir, prise de l’irrésistible besoin de se donner.

Brusquement, Clotilde se redressa, voulant réfléchir. Elle avait serré ses bras nus sur sa gorge nue. Tout le sang de ses veines était monté à sa peau, en un flot de pudeur empourpré. Et elle se mit à fuir, dans le divin élancement de sa taille mince.

— Maître, maître, laisse-moi… Je verrai…

D’une légèreté de vierge inquiète, elle s’était, comme autrefois déjà, réfugiée au fond de sa chambre. Il l’entendit fermer vivement la porte, à double tour. Il restait