Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tion de royale jeunesse, les yeux clairs, les lèvres saines, les joues fraîches, le cou délicat surtout, satiné et rond, ombré de cheveux follets vers la nuque. Et il la sentait si fine, si élancée, la gorge menue, dans son divin épanouissement !

— Là, c’est fait ! cria-t-elle.

Sans savoir comment, il avait dénoué les brides. Les murs tournaient, il la vit encore, nu-tête maintenant, avec son visage d’astre, qui secouait en riant les boucles de ses cheveux dorés. Alors, il eut peur de la reprendre dans ses bras, de la baiser follement, à toutes les places où elle montrait un peu de sa nudité. Et il se sauva, en emportant le chapeau qu’il avait gardé à la main, bégayant :

— Je vais l’accrocher dans le vestibule… Attends-moi, il faut que je parle à Martine.

En bas, il se réfugia au fond du salon abandonné, il s’y enferma à double tour, tremblant qu’elle ne s’inquiétât et qu’elle ne descendît l’y chercher. Il était éperdu et hagard, comme s’il venait de commettre un crime. Il parla tout haut, il frémit à ce premier cri, jailli de ses lèvres : « Je l’ai toujours aimée, désirée éperdument ! » Oui, depuis qu’elle était femme, il l’adorait. Et il voyait clair, brusquement, il voyait la femme qu’elle était devenue, lorsque, du galopin sans sexe, s’était dégagée cette créature de charme et d’amour, avec ses jambes longues et fuselées, son torse élancé et fort, à la poitrine ronde, au cou rond, aux bras ronds et souples. Sa nuque, ses épaules étaient un lait pur, une soie blanche, polie, d’une infinie douceur. Et c’était monstrueux, mais c’était bien vrai, il avait faim de tout cela, une faim dévorante de cette jeunesse, de cette fleur de chair si pure, et qui sentait bon.

Alors, Pascal, tombé sur une chaise boiteuse, la face entre ses deux mains jointes, comme pour ne plus voir la