Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/197

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reuse de l’autre siècle, un soir de nuit heureuse. Lui, ravi, adorait cette chambre, où il la retrouvait toute, jusque dans l’air qu’il y respirait ; et il y vivait, il n’habitait plus sa propre chambre, noire, glacée, dont il se hâtait de sortir comme d’une cave, avec un frisson, les rares fois qu’il devait y entrer. Ensuite, la pièce où tous deux se plaisaient aussi, était la vaste salle de travail, pleine de leurs habitudes et de leur passé d’affection. Ils y demeuraient les journées entières, n’y travaillant guère pourtant. La grande armoire de chêne sculpté dormait, portes closes, ainsi que les bibliothèques. Sur les tables, les papiers et les livres s’entassaient, sans qu’on les dérangeât de place. Comme les jeunes époux, ils étaient à leur passion unique hors de leurs occupations anciennes, hors de la vie. Les heures leur semblaient trop courtes, à goûter le charme d’être l’un contre l’autre, souvent assis dans le même ancien et large fauteuil, heureux de la douceur du haut plafond, de ce domaine bien à eux, sans luxe et sans ordre, encombré d’objets familiers, égayé, du matin au soir, par la bonne chaleur renaissante des soleils d’avril. Lorsque, lui, pris de remords, parlait de travailler, elle lui liait les bras de ses bras souples, elle le gardait pour elle, en riant, ne voulant pas que trop de travail le lui rendît malade encore. Et, en bas, ils aimaient également la salle à manger, si gaie, avec ses panneaux clairs, relevés de filets bleus, ses meubles de vieil acajou, ses grands pastels fleuris, sa suspension de cuivre, toujours reluisante. Ils y dévoraient à belles dents, ils ne s’en sauvaient, après chaque repas, que pour remonter dans leur chère solitude.

Puis, quand la maison leur sembla trop petite, ils eurent le jardin, la Souleiade entière. Le printemps montait avec le soleil, avril à son déclin commençait à fleurir les roses. Et quelle joie, cette propriété, si bien close de