Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/198

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murs, où rien du dehors ne les pouvait inquiéter ! Ce furent de longs oublis sur la terrasse, en face de l’immense horizon, déroulant le cours ombragé de la Viorne et les coteaux de Sainte-Marthe, depuis les barres rocheuses de la Seille jusqu’aux lointains poudreux de la vallée de Plassans. Ils n’avaient là d’autre ombre que celle des deux cyprès centenaires, plantés aux deux bouts, pareils à deux énormes cierges verdâtres, qu’on voyait de trois lieues. Parfois, ils descendirent la pente, pour le plaisir de remonter les gradins géants, escaladant les petits murs de pierres sèches qui soutenaient les terres, regardant si les olives chétives, si les amandes maigres poussaient. Plus souvent, ils firent des promenades délicieuses sous les fines aiguilles de la pinède, toutes trempées de soleil, exhalant un puissant parfum de résine, des tours sans cesse repris, le long du mur de clôture, derrière lequel on entendait seulement, de loin en loin, le gros bruit d’une charrette dans l’étroit chemin des Fenouillères, des stations enchantées sur l’aire antique, d’où l’on voyait tout le ciel, et où ils aimaient à s’étendre, avec le souvenir attendri de leurs larmes d’autrefois, lorsque leur amour, ignoré d’eux-mêmes, se querellait sous les étoiles. Mais la retraite préférée, celle où ils finissaient toujours par aller se perdre, ce fut le quinconce de platanes, l’épais ombrage, alors d’un vert tendre, pareil à une dentelle. Dessous, les buis énormes, les anciennes bordures du jardin français disparu, faisaient une sorte de labyrinthe, dont ils ne trouvaient jamais le bout. Et le filet d’eau de la fontaine, l’éternelle et pure vibration de cristal, leur paraissait chanter dans leur cœur. Ils restaient assis près du bassin moussu, ils laissaient tomber là le crépuscule, peu à peu noyés sous les ténèbres des arbres, les mains unies, les lèvres rejointes, tandis que l’eau, qu’on ne voyait plus, filait sans fin sa note de flûte.