Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/21

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complot, d’où sortirait un miraculeux bienfait, une joie divine dont la maison entière serait parfumée. Quel triomphe, si l’on réconciliait le docteur avec Dieu ! et quelle douceur ensuite, à vivre ensemble, dans la communion céleste d’une même foi !

— Enfin, que dois-je faire ? demanda Clotilde, vaincue, conquise.

Mais, à ce moment, dans le silence, le pilon du docteur reprit plus haut, de son rythme régulier. Et Félicité victorieuse, qui allait parler, tourna la tête avec inquiétude, regarda un instant la porte de la chambre voisine. Puis, à demi-voix :

— Tu sais où est la clef de l’armoire ?

Clotilde ne répondit pas, eut un simple geste, pour dire toute sa répugnance à trahir ainsi son maître.

— Que tu es enfant ! Je te jure de ne rien prendre, je ne dérangerai même rien… Seulement, n’est-ce pas ? puisque nous sommes seules, et que jamais Pascal ne reparaît avant le dîner, nous pourrions nous assurer de ce qu’il y a là dedans… Oh ! rien qu’un coup d’œil, ma parole d’honneur !

La jeune fille, immobile, ne consentait toujours pas.

— Et puis, peut-être que je me trompe, il n’y a sans doute là aucune des mauvaises choses que je t’ai dites.

Ce fut décisif, elle courut prendre dans le tiroir la clef, elle ouvrit elle-même l’armoire toute grande.

— Tiens ! grand’mère, les dossiers sont là-haut.

Martine, sans une parole, était allée se planter à la porte de la chambre, l’oreille au guet, écoutant le pilon, tandis que Félicité, clouée sur place par l’émotion, regardait les dossiers. Enfin, c’étaient eux, ces dossiers terribles, dont le cauchemar empoisonnait sa vie ! elle les voyait, elle allait les toucher, les emporter ! Et elle se