Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/22

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dressait, dans un allongement passionné de ses courtes jambes.

— C’est trop haut, mon petit chat, dit-elle. Aide-moi, donne-les-moi !

— Oh ! ça, non, grand’mère !… Prends une chaise.

Félicité prit une chaise, monta lestement dessus. Mais elle était encore trop petite. D’un effort extraordinaire, elle se haussait, arrivait à se grandir, jusqu’à toucher du bout de ses ongles les chemises de fort papier bleu ; et ses doigts se promenaient, se crispaient, avec des égratignements de griffes. Brusquement, il y eut un fracas : c’était un échantillon géologique, un fragment de marbre, qui se trouvait sur une planche inférieure, et qu’elle venait de faire tomber.

Aussitôt, le pilon s’arrêta, et Martine dit d’une voix étouffée :

— Méfiez-vous, le voici !

Mais Félicité, désespérée, n’entendait pas, ne lâchait pas, lorsque Pascal entra vivement. Il avait cru à un malheur, à une chute, et il demeura stupéfié devant ce qu’il voyait : sa mère sur la chaise, le bras encore en l’air, tandis que Martine s’était écartée, et que Clotilde debout, très pâle, attendait, sans détourner les yeux. Quand il eut compris, lui-même devint d’une blancheur de linge. Une colère terrible montait en lui.

La vieille madame Rougon, d’ailleurs, ne se troubla aucunement. Dès qu’elle vit l’occasion perdue, elle sauta de la chaise, ne fit aucune allusion à la vilaine besogne dans laquelle il la surprenait.

— Tiens, c’est toi ! Je ne voulais pas te déranger… J’étais venue embrasser Clotilde. Mais voici près de deux heures que je bavarde, et je file bien vite. On m’attend chez moi, on ne doit plus savoir ce que je suis devenue… Au revoir, à dimanche !