Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/266

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l’effrayait beaucoup. Il finit par sonner à son antique hôtel, au bas du cours Sauvaire, une construction monumentale, du temps de Mazarin. Et il y demeura si longtemps, que Clotilde, qui se promenait sous les arbres, fut prise d’inquiétude.

Enfin, quand il reparut, au bout d’une grande demi-heure, elle plaisanta, soulagée.

— Quoi donc ? elle n’avait pas de monnaie ?

Mais, chez celle-là encore, il n’avait rien touché. Elle s’était plainte de ses fermiers, qui ne la payaient plus.

— Imagine-toi, continua-t-il pour expliquer sa longue absence, la fillette est malade. Je crains que ce ne soit un commencement de fièvre muqueuse… Alors, elle a voulu me la montrer, et j’ai examiné cette pauvre petite…

Un invincible sourire montait aux lèvres de Clotilde.

— Et tu as laissé une consultation ?

— Sans doute, pouvais-je faire autrement ?

Elle lui avait repris le bras, très émue, et il la sentit qui le serrait fortement sur son cœur. Un instant, ils marchèrent au hasard. C’était fini, il ne leur restait qu’à rentrer chez eux, les mains vides. Mais lui refusait, s’obstinait à vouloir pour elle autre chose que les pommes de terre et l’eau qui les attendaient. Quand ils eurent remonté le cours Sauvaire, ils tournèrent à gauche, dans la ville neuve ; et il semblait que le malheur s’acharnait, les emportant à la dérive.

— Écoute, dit-il enfin, j’ai une idée… Si je m’adressais à Ramond, il nous prêterait volontiers mille francs, qu’on lui rendrait, lorsque nos affaires seront arrangées.

Elle ne répondit pas tout de suite. Ramond, qu’elle avait repoussé, qui était marié maintenant, installé dans une maison de la ville neuve, en passe d’être le beau médecin à la mode et de gagner une fortune ! Elle le savait heureusement d’esprit droit, de cœur solide. S’il n’était